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Channel: Got'Art - le blog d'Audrey Higelin - impromtus
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Quand Valentin boudait ses cours de littérature...

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Aujourd’hui Saint Valentin. Bonne fête à tous les linguistes, sémiologues, et spécialistes de la littérature du XIXè siècle, notamment...

 

30 ans Audrey 001.JPGEn dépit du fait qu’en cette occasion les restaurants sont pleins, les fleuristes ont dopé le prix de leurs roses -loi de l’offre et de la demande oblige- et les célibataires leur consommation d’anxiolytiques, il y a toujours quelques réfractaires à cette bouillie de bons sentiments qui frise la pornographie pour dire, comme je le fais, qu’ils se fichent d’une fête aussi commerciale et dégoulinante de bons sentiments, aussi prompts à calmer la confiance que les uns ont en leur couple, que la mauvaise conscience que les autres ont à ce même sujet. Pour éviter tout manichéisme, je mentionnerai aussi la catégorie des suiveurs : ceux qui sont à l’aise dans leur histoire d’amour, n’ont pas de problème de conscience, mais ne résistent pas au matraquage marketing. Peut-être ceux-là préfèrent-ils rentrer à la maison avec des fleurs, dans le doute…

 

Il y a donc la catégorie dont je fais partie, qui se moque de Valentin, des fleurs, des dîners dans des restaurants bondés, et qui ne remettra pas ce soir, pour l’occasion, la même robe qu’il y a 11 ans pour célébrer un amour qui a pris en consistance -et c’est heureux- mais aussi en tour de taille- et c’est la vie…-. « Tu n’es pas romantique !", me rétorque-t-on. Et voilà, le mal est fait. Ro-man-tique ! Le mot est lâché.

 

 Non, romantique, je ne le suis pas en amour. Pour Shakespeare, le romantisme, c’était Roméo et Juliette. Et comme vous le savez, ils ne se marièrent pas et n’eurent pas de beaux enfants… Alors non merci. Pour Chateaubriand, c’étaient les ruines de Combourg, arpentées par grand vent, la solitude, le deuil de sa sœur, et le début de la folie. Oui, ben non, finalement, non plus…Pour Hugo, amateur du « polymamour » avant la lettre, le romantisme est l’exaltation de sentiments violents, de tourments du cœur et de l’âme, en témoignent l’abondante correspondance qu’il entretenait avec sa femme, sa maîtresse officielle, et toutes les occasionnelles. Quelle santé, ce Victor… Mais surtout ses Odes et ses Contemplations. Que tous ceux qui se prétendent romantiques le soient vraiment, et glissent un poème issu de l’un de ces recueils entre les épines du bouquet de roses. Leur soirée risque de prendre une tournure pour le moins inattendue.  Mais romantique, pour le coup…

 

« Qui dit romantisme dit art moderne, – c’est-à-dire intimité, spiritualité, couleur, aspiration vers l’infini, exprimées par tous les moyens que contiennent les arts », nous dit Baudelaire. Messieurs, quand vous arrivez au domicile de la dame, l’œil de cocker et la bouche en cul de poule –et j’aime beaucoup les animaux, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit-, vous sentez-vous empreints de « spiritualité », en proie à une inextinguible « aspiration vers l’infini » quand vous lui remettez l’inévitable et trop attendu bouquet de roses? (Oui, parce que ce sont toujours des roses, vous admettrez. Et moi, par exemple, ce n’est de loin pas ce que je préfère… Et vous Messieurs, les préférences de Madame, vous les connaissez ?)

Je pourrais multiplier les exemples, mais dans les restaurants bondés, dans les bouquets de circonstances, dans les tenues apprêtées des dames et l’air emprunté des messieurs, je ne vois aucun romantisme. Valentin a dû sécher ses cours de littérature au lycée, et par un glissement sémantique désormais acquis, trahir le sens véritable du concept de romantisme pour le confondre avec celui de romanesque. Et laissons Stendhal nous l’expliquer : « Rien ne séduit plus un jeune homme que de jouer le rôle d’un bon génie auprès d’une femme. Il y a je ne sais quoi de romanesque dans cette entreprise, qui sied aux âmes exaltées. »

Alors Valentin, Valentine de tous pays, unissez-vous si vous voulez. Sacrifiez au Dieu marketing et inventez-vous des « rêveries dignes de romans » (Grand Robert de la langue Française) s’il vous plait de le faire, mais ne vous prétendez pas "romantiques". Vous courrez le risque qu’un linguiste dont ce sera véritablement le métier –ce qui n’est pas mon cas- vous fasse plus violemment remarquer que question culture, il y a deux ou trois petites choses à revoir…


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